""Je suis" parce
que tu m'aimes"
Par Durga Ahlund
Je suis seule au volant de ma voiture dans
les montagnes, un mantra sur les lèvres, les fenêtres baissées,
le toit ouvert. Le vent est frais et vigoureux, la lumière
du soleil étincelante sur les feuilles colorées d'automne
est enivrante, mon cœur est grand ouvert et je ressens une
plénitude et un bonheur que je n'avais pas ressentis depuis
un bon moment. Puis un message qui m'attendait dans le temps:
"JE SUIS parce que tu m'aimes!" Ce que nous recevons dans
le silence n'est pas une simple connaissance intellectuelle,
mais une espèce d'expérience directe, une vérité qui se réalise
en la vivant, une réponse à une question non formulée.
Le yoga nous dit que pour connaître la réalité
du monde et de notre Soi, nous devons aller au-delà de la
surface physique et mentale et plonger en profondeur afin
de connaître les pouvoirs cachés qui contrôlent le monde.
Nous devons arriver à voir l'Esprit cosmique, le Soi ou l'Être
suprême et nous "mettre sur la même longueur d'onde" que sa
volonté universelle. Nous devons suivre les lois et le travail
qu'Il nous assigne. Ce n'est que de cette façon que la vérité
et le but de notre vie nous seront révélés. Ce n'est qu'alors
que nous serons hissés hors de notre souffrance actuelle vers
les sommets les plus élevés et que nous nous unirons à la
Bonté totale dans l'état d'être, conscience et extase (satchidananda).
Mais qu'en est-il si nous doutons de l'existence
d'un Être cosmique ou si nous ne croyons tout simplement pas
qu'un tel Être suprême nous sortira par Lui-même de notre
état actuel d'imperfection, de douleur et d'impuissance? Comment
peut-on s'attendre à ce qu'une personne sensée, vivant dans
un monde qui semble refléter plus de mauvaises intentions
que de bonheur divin, acquière une foi inébranlable que sa
vie dans ce théâtre tragique sera prise en charge par une
Bonté divine?
Même si nous croyons que l'intellect n'est
pas capable d'accéder à la Réalité, puisqu'il se sépare lui-même
de l'Absolu, nous apprenons à nous fier à cet intellect. Il
doit donc certainement être plus fiable que le cœur, n'est-ce
pas? Devons-nous abandonner toute raison et discrimination
intellectuelle pour accepter aveuglément ce que le yoga dit
être la vérité? Devons-nous nous laisser guider par notre
cœur? Si la seule réalité que nous connaissons est la douleur
et les brefs moments de bonheur de notre cœur, comment lui
faire confiance? Comment avoir une expérience au niveau de
l'âme? Comment faire l'expérience de notre propre grandeur
intérieure ou de la conscience du témoin lorsque nous n'avons
pas encore ressenti une véritable force intérieure ou même
une autosuffisance ou une paix intérieure?
Comment faire le lien entre notre
condition humaine et notre nature divine
Pour ce faire, nous devons consciemment
et simultanément nous rapprocher de l'esprit divin qui est
en nous et nous éloigner de tous les obstacles qui peuvent
nous empêcher d'atteindre cette cible. Nous devons avoir suffisamment
de paix d'esprit pour comprendre clairement ce qui génère
les conflits internes et externes et ce qui s'oppose à la
connexion avec le divin. Nous devons comprendre que tout ce
que l'ego affirme est une résistance à cette connexion.
Notre sadhana de kriya yoga nous fournit
le renforcement intérieur dont nous avons besoin pour atteindre
le divin, mais en même temps, nous devons abandonner tout
doute et cynisme à son égard. Nous devons générer une confiance
et une foi totales envers les techniques et les enseignements.
Le doute et le cynisme bloqueront le progrès en créant un
mur entre notre conscience intérieure et notre nature extérieure.
Nous devons nous ouvrir à l'influence de l'âme et de la conscience
supérieure. Parce que, lorsque nous mettons de côté les besoins
de l'ego, nous pouvons ressentir à n'importe quel moment la
connexion avec notre soi universel et illimité. Ces moments
sont souvent éphémères, et nous manquerons l'expérience si
nous ne sommes pas réellement présents. Ces moments surviennent
lorsque nous devenons complètement présents et absorbés dans
une activité ou dans le silence.
Une fois la connexion établie, il se peut
que des pensées traversent votre esprit, mais elles viendront
d'au-delà de votre personne. Elles semblent descendre ou couler
comme des vagues dans l'esprit qui illuminent notre compréhension
d'une façon nouvelle. Nous commençons à voir les choses d'un
point de vue plus large et plus élevé, qui n'a pas été influencé
ni par la mémoire et le raisonnement intellectuel. Nul besoin
d'avoir une vision de Babaji ou du Christ ou de devenir un
pilier de lumière. Il suffit d'être présent à 100 % dans le
moment.
L'ego nous séparera systématiquement de
notre âme et de cette perception de la vie. Chaque fois que
nous tentons d'affirmer l'ego et l'intellect, nous coupons
notre connexion avec l'âme et l'être universel. Et c'est l'âme
qui est notre meilleure amie. Contrairement à l'ego, notre
âme ne nous mènera jamais à la tentation, ne nous mettra jamais
en danger et ne nous abandonnera jamais. Si nous pouvons éliminer
les obstacles qui nous séparent de l'âme, nous connaîtrons
la paix et l'amour et nous serons plus près de la conscience
divine. La colère, la peur, la jalousie, la fierté, la concurrence,
le ressentiment, la petitesse : il s'agit là d'importants
obstacles qui nous empêchent de connaître la paix et l'amour,
dont nous avons besoin pour nous unir avec notre âme. L'intellect
le plus puissant au monde est incapable de produire la paix
ou l'amour. La nature de l'intellect est la capacité de différencier,
diviser et disséquer.
L'amour et la sagesse, deux aspects de la
même qualité qui décrit l'état d'unité avec l'âme, n'a rien
à voir avec l'intellect. Ce qu'il nous faut pour atteindre
cette unité est une capacité d'aimer avec conviction et la
foi en une puissance beaucoup plus importante que nous. L'amour
et la sagesse apparaissent lorsque l'esprit est complètement
inondé de prana et est concentré dans l'âme. L'esprit devient
comme une torche qui illumine tout, et c'est alors que la
sagesse peut nous inonder. Un esprit qui embrasse tout signifie
qu'il est dans un état de pureté, sans caprices, petitesse,
doute ou cynisme. Il est dans un état d'extase ou de bonheur
exquis, soit de profondes humilité, sincérité et révérence.
Le fait de garder une telle attitude ouverte
et réceptive permet à la sagesse de l'âme de faire surface
pour répondre aux questions du cœur. L'esprit n'a pas besoin
de concevoir la question pour recevoir la réponse. Le silence
nous fournira exactement les réponses qu'il nous faut, que
nous méritons, au moment où nous en avons besoin. Notre sadhana
de kriya yoga nous attire vers l'intérieur et nous aide à
devenir plus conscients d'une force cosmique intérieure et
extérieure et de cette force qui travaille dans le monde comme
la Grâce et l'Amour divins et qui peut répondre à nos questions.
Nous pouvons parfois réussir à créer une
formation mentale dans laquelle placer notre foi. On dit que
le Seigner se révélera dans une forme que le dévot saura approcher.
Toute forme personnelle du Seigneur a de la shakti, comme
tous les objets, personnes et relations. Le Seigneur lui-même
se révèle avec certaines qualités ou fonctions que la conscience
humaine peut comprendre. Néanmoins, avec ou sans forme, c'est
la foi en l'intervention d'un Être suprême qui rend l'intervention
possible. Bien sûr, l'intervention dépend en dernière analyse
de Dieu, de notre karma et de notre degré de dévotion.
Le bhakti yoga est un volet essentiel du
kriya yoga de Babaji. La bhakti est une puissante force d'amour
et de dévotion profonds. Elle comprend plus que les bhajans
chantés et la danse extatique, qui stimulent le corps vital
et renforcent l'ego. Elle consiste en un amour et une révérence
constants et humbles, sans trace d'ego ou d'insensibilité
spirituelle. Elle nécessite un amour si pur que le Seigneur
lui-même apparaît pour purifier l'ego. Il nous faut comprendre
que l'Être suprême est présent en nous-mêmes.
Comment développer une bhakti authentique?
Une ouverture lente et graduelle de notre
âme injectera l'amour dans notre cœur. Les siddhas définissent
l'amour comme Dieu lui-même. La sensation de la présence de
Dieu peut s'établir par l'amour et la dévotion. Au sein de
chacun de nous se trouve une force qui crée et nourrit toute
vie et dirige la totalité de l'univers externe et interne.
Cette force, baptisée gourou tattva ou le principe du gourou,
existait bien avant la création de l'univers, et, tout comme
les éléments eau, air, feu et éther, il fait partie de la
création depuis ses débuts. Le principe du gourou est en chacun
de nous en tant que Soi intérieur. Lorsque nous prions, nous
saluons le Gourou, soit notre propre Soi.
Le Soi est parfait et pur, Sat Chit Ananda
(existence, conscience, extase). Et la voie vers le Soi n'est
que conscience et extase suprêmes. Il faut commencer avec
une conviction totale de cette réalité, et la foi grandira
et deviendra certaine, solide et authentique. À un certain
moment, il se peut que nous prenions conscience de la présence
de quelque chose au plus profond de notre être qui est différent
du reste de notre être. C'est là, dans notre for intérieur,
que se trouve le Soi, le Seigneur, satchidananda, brillant
comme un cristal sans forme, sans attributs, parfait et éternel.
Et lorsque nous nous éveillons à la plénitude de l'Amour,
nous recevons la connaissance, la sagesse et une nouvelle
perception et compréhension. Nous voyons le divin partout,
en toute chose, et nous nous demandons comment nous pouvions
ne pas le voir auparavant. L'amour brille par lui-même, il
se manifeste dans nos pensées, nos paroles et nos gestes.
Tous droits réservés:
M. Govindan Satchidananda, octobre 2006
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