"Comment mener une
vie spirituelle dans un monde matériel"
Par Rudra Shivananda
Le Kriya Yoga enseigne que nous devrions
progresser et atteindre la réalisation du Soi tout en ayant
une vie de famille. Cela requiert non pas que nous renoncions
extérieurement au monde, ni que nous nous retirions dans une
caverne, mais plutôt que nous opérions une renonciation intérieure,
que nous pratiquions le non-attachement au monde matériel.
L'initié(e) au Kriya Yoga doit vivre et travailler
de façon attentive dans le monde de l'impermanence et de l'ultime
illusion en y puisant les ressources nécessaires pour atteindre
l'objectif spirituel, à savoir l'expérience de la réalité.
Les yoguis donnent souvent l'exemple de
la plante de lotus qui pousse et s'épanouit dans les eaux
boueuses et fétides tout en n'étant pas ternie par son entourage.
Elle conserve sa pureté et se nourrit de l'eau et du soleil.
Dans la Bhagavad-Gita, le Seigneur Krishna
recommande que nous offrions le fruit de nos actions au Divin.
Cela nous permet de ne pas nous empêtrer dans les résultats
de nos actions. Nous sommes ainsi libres de faire de notre
mieux sans attachement. Espérer récolter une récompense pour
nos actions constitue une façon matérialiste de penser, tandis
que l'action désintéressée, dénuée d'attentes, est la façon
spirituelle d'être. Même lorsqu'on nous paie pour nos services,
il est préférable de ne pas s'attacher à l'argent et de l'offrir
plutôt au Divin, afin qu'il serve à maintenir notre vie spirituelle
et à aider autrui.
Maintenant, d'un point de vue pratique,
comment une personne dite spirituelle devrait-elle agir?
La première clé de la vie spirituelle
est de mettre en place une pratique ou sadhana, régulière.
La régularité est cruciale si l'on souhaite surmonter l'inertie
et les autres obstacles à l'évolution spirituelle. Une pratique
quotidienne, comprenant préférablement une séance le matin
et une autre le soir, peu importe leur durée, est préférable
à des efforts intermittents d'une durée de plusieurs heures.
Cela se doit à l'accumulation continue de l'énergie négative
qui doit être stoppée avant qu'elle n'ait la chance de s'enraciner
dans le subconscient. Une fois ces énergies enracinées et
renforcées par les habitudes négatives, il faudra fournir
des efforts dix fois plus importants pour les éradiquer.
Même pour des questions routinières, nous
avons appris que la régularité est essentielle. Nous nous
brossons les dents tous les jours pendant une ou deux minutes,
et non tous les trois jours pendant une demi-heure, ce qui
serait absurde! Certains se brossent les dents après chaque
repas afin d'éviter l'accumulation de plaque dentaire. C'est
ce genre d'enthousiasme qu'il convient d'insuffler dans votre
vie spirituelle. Réalisez votre sadhana régulièrement
et évitez l'accumulation de négativité et de karma.
La seconde clé est d'être toujours
conscient de notre objectif spirituel. Cette conscience
est souvent interrompue par notre style de vie irrégulier.
Par conséquent, il est important de réexaminer ce style de
vie. Prenez quelques instants pour noter et examiner vos activités
quotidiennes et hebdomadaires. Vous reposez-vous suffisamment
ou nuisez-vous à votre santé en ne dormant pas assez? Mangez-vous
des aliments sains qui vous apportent suffisamment d'énergie
vitale ou prana, pour conserver vos forces et votre
attitude positive? Il peut sembler paradoxal que le fait de
bien s'occuper du corps physique est un signe de spiritualité.
Il faut évidemment faire attention de ne pas tomber dans l'excès
en suivant des régimes excessifs, en faisant de l'exercice
de façon compulsive ou en développant une obsession pour les
procédures d'embellissement du corps, des pratiques qui sont
devenue monnaie courante dans notre société de consommation.
Toutefois, une pratique spirituelle régulière comprenant des
asanas ou postures, est très bénéfique pour les corps
physique et énergétique.
Un corps en bonne santé est nécessaire pour
l'évolution spirituelle. Les textes disent que le grand yogui
Siddharta Gautama a mortifié sa chair en pratiquant le jeûne
excessif avant de s'apercevoir qu'il ne pouvait plus avancer
dans sa méditation. Il est devenu si faible qu'il était en
train de mourir plutôt que d'évoluer. Il s'est donc traîné
jusqu'à un ruisseau afin de se laver. Il a mangé un petit
repas, il s'est reposé et il a repris sa méditation. Il a
finalement atteint l'illumination, et il est devenu le Bouddha.
Par la suite, il a toujours prêché la modération en toute
chose - la voie du milieu.
La troisième clé consiste à trouver
un équilibre entre les activités spirituelles et les activités
matérielles. Combien de temps consacrez-vous à votre
vie spirituelle? Il n'est pas nécessaire de passer tout votre
temps ou même la majorité de votre temps sur des activités
spirituelles. Toutefois, examinez vos activités matérielles
et déterminez-en le degré de nécessité. Passer du temps avec
sa famille est nécessaire. Le travail est nécessaire pour
vivre et pour faire vivre sa famille. Mais est il nécessaire
de travailler tard le soir et d'amener du travail à la maison?
Est il nécessaire de regarder la télévision? Ce que l'on appelle
communément divertissement est habituellement un prétexte
pour stimuler un esprit fatigué. Le repos et la méditation
sont peut-être un meilleur remède. Trouvez l'équilibre.
La quatrième clé consiste à examiner
les gens avec qui nous nous associons - les relations qui
sont importantes pour nous. Cela ne signifie pas
que nous devions abandonner nos amis de longue date parce
qu'ils ne participent pas à des activités spirituelles. Il
est bon de se faire des amis qui partagent des aspirations
spirituelles semblables aux nôtres et qui peuvent nous fournir
un soutien très nécessaire. Les gens qui se lancent sur une
voie spirituelle ont souvent tendance à tenter d'expliquer
leurs nouvelles croyances et pratiques ou même de tenter de
convaincre leurs amis proches de faire comme eux. Cela doit
se faire avec beaucoup de délicatesse et jamais dans une optique
missionnaire. Si notre interlocuteur n'est pas réceptif, il
ne faut pas l'ennuyer. Il n'est jamais productif d'imposer
ses croyances aux autres. Pour conserver leur amitié, il se
peut que vous deviez ne pas parler de vos activités spirituelles.
Si quelqu'un veut en savoir davantage, cette personne vous
posera des questions en temps voulu. Ne vous attendez pas
à de la compréhension et du soutien de la part même des membres
les plus proches de votre famille. Ils craignent l'inconnu
et ont peur de vous perdre. Faites preuve de patience et expliquez-leur
ce que vous faites. Il se peut que vous deviez leur expliquer
plusieurs fois, jusqu'à ce qu'ils comprennent que vous n'êtes
pas en train de devenir un(e) fanatique ou que vous ne les
ignorez pas.
La cinquième clé consiste à examiner
son travail. Étant donné que la plupart d'entre nous
passent la plus grande partie de la journée au travail, si
ce travail constitue un obstacle à nos valeurs spirituelles,
il nous faut alors considérer un changement. Il est possible
de travailler et de subvenir à ses besoins financiers sans
se compromettre, sans vendre son intégrité. À l'heure d'examiner
notre travail, il est essentiel de garder à l'esprit les valeurs
de vérité (satya), de non-violence envers nous-mêmes
ou autrui (ahimsa) et de non-convoitise (asteya).
Une autre valeur à garder en tête est notre auto-réalisation.
Le travail que vous effectuez fait il appel à votre plus haut
potentiel? Êtes-vous satisfait(e) dans ce domaine ou y êtes-vous
arrivé(e) par accident ou par obligation? Ce travail est il
ce que vous souhaitez faire dans la vie? Considérez la possibilité
de passer d'un poste payant mais insatisfaisant à un poste
plus satisfaisant ou de laisser un emploi ennuyant et peu
payant afin de devenir travailleur autonome.
Les possibilités sont nombreuses, mais nous
devons avoir confiance à la volonté divine. Nous devons nous
en remettre au Divin et trouver notre dharma, notre
véritable chemin, dans cette vie. Nous sommes tous venus au
monde avec un fardeau karmique que nous nous sommes imposé
nous-mêmes, mais aussi avec la promesse d'un droit chemin
ou dharma. En suivant notre dharma, nous pouvons
surmonter tout notre karma et atteindre la réalisation
du Soi dans cette vie.
En exerçant une conscience constante de
notre but et une vigilance sans relâche de nos activités,
nous serons en mesure de nous frayer un chemin spirituel dans
les mers turbulentes du monde matériel.
C'est une bénédiction de savoir que nous
n'avons pas besoin de nous empêtrer dans ce que nous voulons.
C'est une bénédiction d'être satisfait(e) de ce que nous avons
et de ne pas désirer ce que nous n'avons pas.
Tous droits réservés:
M. Govindan Satchidananda, juin 2004
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